Menu
Planète Terre
Vivre en paix

Paysages couleurs

La reine, le roi et le dieu

Mercredi 14 septembre 2022 - Cultures sauvages

La couronne de Louis II de Bavière

Photo Markus Spiske sur Unsplash : la couronne de Louis II de Bavière (Haus der Bayerischen Geschichte-Museum, Regensburg)

God save the Queen, God save the King, mais qui va donc sauver le Monde ? Les êtres humains ont inventé les dieux, les rois et les reines. Regardez où cela nous a menés, dans quel état se trouve le monde. Toute la ferveur et toutes les prières des pauvres humains, depuis des lustres, ont-elles servi à quelque chose ?

En attendant la réponse tombée du ciel, les rois, les reines, les princes et les princesses de ce monde se portent bien à ce qu’il semble. Sauf la pauvre Élisabeth II. Mais 96 ans, tout de même, et 70 ans de règne, presque autant que Louis XIV, c’est déjà pas mal, non ?

Puisque l’heure est à la vénération, l’adulation, l’allégeance des sujets à une famille, admirons. Admirons un personnage hors du commun. Admirons les foules idiotes et versatiles, dans leur conviction royale, leur soumission à un pouvoir héréditaire. Quelle culture populaire ancestrale ! Quel magnifique symbole ! Il est tout à fait normal, incontournable, que le pouvoir et la richesse des Grands de ce monde soient la propriété exclusive de quelques individus, de quelques familles. C'est justement cela qui est admirable.

Alors admirons la belle cérémonie, le faste et la grandeur, l’abnégation d’un pays tout entier confiné dans l'arrêt de ses activités pendant 10 jours. Au moins, le spectacle est plus réjouissant que le monde qui s’effondre en calamités guerrières, climatiques et biologiques. Vive le bon roi Dagobert, qui a mis sa culotte en rose ou en vert !

Mais je m’interroge : que signifie cette nostalgie pour le pouvoir et la richesse, cette fascination pour les cérémonies populaires fastueuses ? Une fascination, dans le monde catholique, héritée des grandes messes de Pâques et de Noël, des pèlerinages à la Vierge ? Une nostalgie pour l’ancien temps et la figure paternelle du roi ou l’image de la grand-mère pour la reine ?

On sait bien, en France, que la royauté, ici ou là dans le monde, n’est plus une façon de gouverner un pays. Pourtant, la royauté n’est pas seulement une longue fête médiévale, une image de marque profitable à la diplomatie et au commerce. Royauté et religion alimentent une culture populaire qui dépasse les démocraties monarchiques. D'une part, les religions, au-delà des croyances en l’au-delà, sont des idéologies persistantes mortifères pour les droits des femmes et des enfants, néfastes à l’évolution des sociétés vers une égalité de fait, vers la paix des peuples. D'autre part, vous ne pouvez pas faire allégeance et honorer une famille dominante, et, l’instant d’après, espérer exister à égalité avec tous les autres êtres humains : ce que vous proclamez, c’est la supériorité de quelques-uns, rois et reines, à cause de leur naissance; mais vous proclamez aussi la supériorité de ceux et celles qui détiennent le pouvoir dans la société capitaliste et s'enrichissent en pillant et détruisant la Terre et ses habitants.

Que vous continuiez à prier tel ou tel dieu ne dérange personne : c’est votre affaire. Mais au-delà du constat que cela ne sert à rien, les différentes cultures religieuses, partagées ou intégrées dans la vie publique, sont, elles, mortifères.

Alors d’accord, je veux bien fêter une page d’histoire avec le décès de la reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Je veux bien fêter par avance la fin de la monarchie et le début de la fin d'un culte ridicule. Mais je m’insurge contre le discours médiatique qui glorifie des comportements et mentalités obsolètes et néfastes au niveau symbolique, alors qu’il y a d’autres sujets de préoccupation auxquels il va bien falloir trouver des solutions, au moins pour atténuer la chute brutale et inéluctable que les entreprises et gouvernements ont royalement ignorée.

Il va bien falloir s’intéresser à la fin de l’hégémonie patriarcale, à promouvoir des activités non polluantes et respectueuses des terres et des mers, des plantes, des animaux, des êtres humains, à trouver des solutions aux problèmes climatiques, à renoncer aux guerres et au commerce des armes, à définir une économie basée sur l’égalité entre les êtres humains et la protection de la planète Terre, en abandonnant l’économie capitaliste basée sur l’accumulation de richesses pour quelques-uns au détriment de tous les autres.

Parce que le dieu, le roi et la reine, la soumission à quelques individus, tout cela n’existe que dans notre tête, religions et royautés héréditaires devraient être de l’histoire. De l’histoire ancienne et seulement de l’histoire.

En Europe il y a 10 monarchies héréditaires : le royaume de Belgique, le royaume de Danemark, le royaume d’Espagne, le grand-duché de Luxembourg, la principauté de Liechtenstein, la principauté de Monaco, le royaume de Norvège, le royaume des Pays-Bas, le royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, avec des princesses et des princes héritiers des maisons régnantes d’Europe.

On croit que ces souverains sont devenus inoffensifs depuis que les parlements et les premiers ministres ont pris le pouvoir. C’est une erreur grossière : bien au-delà des monarchies démocratiques, ils sont le symbole qui fait accepter l’oppression qu’une minorité de gens, à la tête de sociétés financières et d'empires industriels, exercent à leur profit sur le reste du monde. Et on est bien obligé de constater que le culte des princes et des princesses est diablement fort. Et pas seulement dans la tête des petites filles.

En attendant (un dieu là-haut ? un bon monarque ?), les inégalités et le ravage de la planète Terre ne cessent d'augmenter.

- Haut -