Pas de panique, les survivants s'adapteront
Mardi 9 novembre 2021 - Ombre et lumière
Forêt dans la Drôme de l'Est - Photo Jacques Bouchut
Les parents envoient leurs enfants et adolescents à l'école. Évidemment.
Il n'y a pas si longtemps, en période de chômage persistant, le discours que ces jeunes entendaient pouvait se résumer ainsi : travaillez, réussissez, mais de toute façon, peu d'entre vous trouveront un travail rémunéré.
Actuellement, en 2021, alors que les catastrophes climatiques ont commencé à ravager le monde, le discours est devenu : il n'y a aucun avenir pour vous, les générations futures (futures ?), vous allez vivre l'apocalypse bientôt.
Charmant ! Non seulement nous laissons détruire le monde par des criminels contre la Terre et ses habitants, sans protester, sans obliger nos élus à réagir, les gouvernements des pays européens (au moins) à prendre des décisions vitales pour tous, mais en plus nous maltraitons nos jeunes.
Alors, optimisme sans espoir ou pessimisme cynique ? à vous de voir.
1 - Pessimisme cynique
Les perspectives sont désastreuses, certes, mais pas pire qu'avant la guerre de 1914-18 et celle de 1939-45. Les jeunes et moins jeunes, qui ont survécu à ces conflits meurtriers, se sont bien adaptés à l'époque suivante. Sourire.
Après 2 ans de service militaire, mon père est parti aussitôt en guerre, en 1939. Pas très longtemps, il est vrai. Ensuite, pour lui et les autres (toujours vivants) en France, il a bien fallu vivre sous l'occupation nazie, la collaboration pétainiste, les restrictions alimentaires et le marché noir, les difficultés d'approvisionnement, les bombardements. Puis, la reconstruction après la guerre, avec les restrictions qui ont continué quelques années avant le monde nouveau des années 1950, puis celui des années 1960 et suivantes. Sourire.
Les gens qui ne sont pas morts en Indochine, au Vietnam, en Algérie, en Irlande, au Liban, en Yougoslavie, en Syrie, je vous laisse compléter la liste, tous ces gens, il a bien fallu qu'ils s'adaptent à leur environnement changeant et aux ravages du capitalisme. Sourire.
Même s'il n'y a plus d'espoir quant à la justice sociale, l'égalité homme femme, l'avenir des plantes, animaux, êtres humains, les survivants s'adapteront et participeront à construire un monde nouveau. Sourire.
Désert du Sossusvlei en Namibie - Photo Miguel Orós sur Unsplash
Les jeunes de notre époque (2021) ont une belle aventure humaine devant eux, avec ou sans espoir : survivre sur Terre et reconstruire. Ils trouveront leurs solutions, vivront à leur idée, dans le monde que nous leur léguons en toute inconséquence, en toute irresponsabilité, avec un cynisme involontaire pour la plupart des gens, avec arrogance pour les autres. Sourire.
À nous de disparaître, à présent, les conneries ça suffit.
Alors Bonne chance ! les jeunes survivants, amusez-vous bien, autant qu'il est possible. Et laissez tomber la Toussaint, les fleurs et la minute annuelle de tristesse. Oubliez vos disparus, si vous pouvez.
2 - Optimisme sans espoir
Les perspectives sont désastreuses, certes, mais pas pire qu'avant la guerre de 1914-18 et celle de 1939-45. Les jeunes et moins jeunes, qui ont survécu à ces conflits meurtriers, se sont bien adaptés à l'époque suivante.
Pour affronter le pire, vous n'avez pas besoin d'espoir : c'est une illusion, l'espoir est une machination cynique pour vous asservir (par exemple l'espoir d'aller un jour au Paradis est idiot, c'est la vie sur Terre qui compte, ici et maintenant). Vous avez besoin de motivation. Vous avez besoin de vous passionner pour quelque chose qui vous enthousiasme.
Papillon tigre en Inde (Maharashtra Nature Park) - Photo Sonika Agarwal sur Unsplash
Il y aura du boulot pour se protéger des catastrophes climatiques, pour sauver des vies, aider les réfugiés, assurer logement et nourriture à tout le monde, reconstruire, améliorer l'état du monde.
Pour cela, il faudra être très intelligente, très intelligent, avoir de bonnes connaissances scientifiques pour maîtriser de nouvelles technologies pacifiques. Garçons et filles, ensemble vous aurez besoin d'être compétents dans de nombreux domaines, assurer une diversité complémentaire des métiers, des professions.
Pour cela, c'est utile d'aller à l'école, apprendre, mais pas seulement accumuler des connaissances. Être intelligent, être intelligente, c'est se cultiver, développer son imagination et sa créativité, améliorer sa communication avec les autres. Apprendre à se confronter à des pensées contradictoires, aux désaccords. On réfléchit mieux dans la contradiction, de là naissent les idées nouvelles.
Réfléchir, c'est trouver une meilleure approche des problèmes, c'est se déplacer pour voir les choses autrement et débusquer les évidences : ce qu'on a sous le nez et qu'on ne voit pas, ce qui paraît juste et qui ne l'est pas.
Trouver un accord avec d'autres personnes et réfléchir sont deux façons de penser différentes, qui nécessitent deux comportements différents.
Disparition, novembre 2021, musique : Jacques Bouchut
3 - Il n'est jamais trop tard pour bien faire
On peut toujours améliorer une situation, même s'il avait mieux valu agir avant, bien avant. Les gouvernements européens auraient dû agir dès 1933, et probablement avant (de nombreuses analyses ont été faites a postériori). Mais on aurait pu agir encore en 1939 pour empêcher Hitler de monter en puissance face à l'inaction de la France et de la Grande-Bretagne. Ensuite, ça fut beaucoup plus long et difficile pour se débarrasser du nazisme, au prix de millions de morts et de blessés, et reconstruire. Néanmoins, cela fut possible en 5 ans de guerre et une dizaine d'années de reconstruction.
Certes, les perspectives sont désastreuses. C'est la réalité de notre époque (2021). Mais personne ne peut prédire l'avenir, qui est toujours surprenant en période chaotique.
Aigrette garzette aux Saintes-Maries-de-la-Mer - photo Marie H Ray sur Unsplash
Soyez en colère, vous les jeunes qui n'avez pas demandé à vivre dans un monde détruit et injuste. Une juste colère sans rage ni haine. Mais votre colère ne suffira pas si vous baissez les bras, si vous tombez dans la déprime. Intéressez-vous à ce monde en voie de disparition, regardez, étudiez, vous êtes les derniers témoins. Vous êtes jeunes, si le monde est dans cet état lamentable, vous n'y pouvez rien.
Préparez-vous à jouer votre partie en tirant les leçons de nos échecs et en profitant de nos réussites, et il y en a, notamment dans le domaine scientifique, c'est-à-dire l'étude de la réalité.
Développez votre esprit critique et votre jugement, de façon à discerner le vrai du faux, les faits (conformes à la réalité) des fausses nouvelles ou des mensonges (à qui cela profite ?), les idées intéressantes, parce qu'elles sont utiles, des idées stupides ou nuisibles. C'est effarant le nombre de textes idiots, copiés-collés à l'identique, qui circulent sur Internet. Ne parlons pas des appels à la haine, à l'exclusion, à la guerre. Poubelle, inutile de se polluer l'esprit.
Pygargue à tête blanche ayant pêché un poisson, Blackwater National Wildlife Refuge (USA) - Photo Mathew Schwartz sur Unsplash
À tout âge, dès 7 ou 8 ans, avec vos moyens, par de petites actions, par vos paroles, par vos refus, vous pouvez agir en faveur de la vie sur Terre, de la diversité des plantes, des animaux, mais aussi des opinions, des cultures, des façons de vivre ensemble sur notre planète. Parlez-en autour de vous, à vos amis, à vos amies, à vos parents, à frères et sœurs...
Des gens veulent revenir à la vie d'avant le Covid-19. Ne les croyez pas : ce n'est pas possible, le monde a changé. C'est une illusion, car il faut construire dès maintenant un monde nouveau basé non pas sur le profit individuel et la compétition, mais sur l'intérêt collectif à vivre sur une planète habitable, la nôtre, il n'y en a pas d'autre. Espérer plus de justice dans un monde basé sur une économie du profit est une illusion et une absurdité.
Être intelligente, être intelligent, c'est arrêter de détruire, de conquérir le monde, arrêter de cultiver et d'aménager partout. Commencer à réserver plus d'espace à la nature sauvage.
Préparez-vous à jouer votre partie avec efficacité, à agir avec bienveillance. Intéressez-vous à votre avenir en trouvant des choses passionnantes à faire. Soyez chacun motivé, chacune motivée, dès maintenant, pour vivre dans votre monde. Il est déjà là.
Echinops à tête ronde dans la vallée de la Gervanne (Drôme) - Photo Jacques Bouchut
Intéressez-vous à la nature, aux plantes, aux animaux, à la vie sur Terre. Il y a probablement des êtres vivants que vous ne verrez ou reverrez plus jamais, ailleurs qu'au cinéma ou en photo.
Parents, encouragez vos enfants et ne leur demandez pas de se comporter en adultes : ils sont jeunes. Oncles et tantes, enseignantes et enseignants, encouragez les jeunes, soutenez leurs initiatives, écoutez ce qu'ils ont à dire.
C'est à nous de réparer, autant que possible, nos erreurs, notre manque de vigilance, nos démissions, les contestations que nous n'avons pas manifestées pour obliger nos élus à se réveiller de leur clientélisme, de leurs idéologies obsolètes, à comprendre la situation désastreuse de la planète et à agir pour mettre en place des solutions.
Il n'est pas trop tard.
Depuis plus de 25 ans maintenant, les gouvernements de chaque pays défendent stupidement des intérêts à court terme, comme si tous n'avaient pas les mêmes priorités, les mêmes urgences, à commencer à réparer les injustices, à prendre des mesures pour arrêter ou modérer les destructions, commencer à construire une nouvelle économie compatible avec les enjeux planétaires, compatible avec la vie, les êtres humains, les animaux, les plantes.
À nous de rassembler nos opinions divergentes pour dire non à la fatalité et commencer enfin à construire un monde vivable.
Article publié le 9 novembre 2021 sur Feuilles d'automne
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