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Où suis-je, à l'époque des grandes catastrophes ?

Vendredi 17 juin 2022 - Cultures sauvages

Au début des années 1960, avec d’autres jeunes, je me demandais "D’où on vient ?" et "Où on va ?" et devant le constat de tant de misère sur Terre, j’envoyais promener Dieu et tous ses saints (après les petits chinois qui mouraient de faim dans les années 1950, sont arrivées les famines dans le Tiers-monde).

Ciel de nuages rouges

Plus tard, les grandes catastrophes ont été annoncées, ont commencé à arriver et maintenant que nous sommes dedans, la question serait plutôt "Où suis-je ? Bruno Latour tente d’y répondre avec un excellent récit de création : Où suis-je, leçons du confinement à l’usage des terrestres, éditions la découverte, 2021.

Il est étrange que des manuels de géologie ou de biologie s’émerveillent que "par chance" les organismes vivants aient trouvé sur terre les conditions idéales pour se développer depuis des milliards d’années : la bonne température, la bonne distance d’avec le soleil, la bonne eau, le bon air.

Et maintenant que les grandes catastrophes sont là, il y a des surdoués qui renchérissent en disant : nous avons niqué la planète, pas grave, on va en trouver une autre avec la bonne température, la bonne distance d’avec son soleil, la bonne eau, le bon air.

Mais où suis-je donc ? Dans un monde de fous ? Un monde : il y en a d'autres ?

Il n’y a pas d’autre planète habitable et accessible aux êtres humains (à supposer qu’on laisse tomber l’arche de Noé avec plantes et animaux), pas d’autre espace de vie que cette mince zone de quelques kilomètres d’épaisseur à la surface de la Terre, où vivent, pour l’instant, les terrestres, c’est-à-dire, les plantes, les animaux, les virus et autres organismes, les êtres humains. Une zone critique où la biodiversité est en voie de disparition. Avec son contenu d’êtres vivants, cette zone, que certains nomment Gaïa, s’est construite au cours d’une longue, très longue histoire qui semble se terminer en quelques centaines d’années. Depuis, par exemple, que des Européens ont envahi l’Amérique, exterminant presque la totalité des populations. Cette glorieuse "découverte" se situe juste avant la découverte de l’Univers par Copernic, Tycho Brahe et quelques autres, nous obligeant à admettre que la Terre n’était pas le centre du monde et, plus tard encore, qu’au-delà des nuages il n’y avait ni Dieu, ni anges, que du vide ou presque.

Me voici donc confiné, avec tous les autres terrestres, dans ce petit espace de réalité, petit si je compare à l’idée que je me fais de l’Univers, ou grand espace comparé à mon logement lors du confinement de mars à mai 2020.

Pourquoi faire appel à Gaïa, déesse incestueuse de l'Antiquité, pour nommer cette zone de vie, transparente et fragile, sur Terre ? Ne pourrait-on pas l'appeler "la Bulle" ?

Si nous voulons continuer à respirer librement au sein de la Bulle, il va falloir se préoccuper du devenir de cette zone critique. C’est-à-dire de toute urgence trouver des solutions pour améliorer la situation en diminuant l’impact climatique des activités humaines, puis en réparant les dégâts.

Pour cela, très simple, il suffit de tous tomber d’accord sur les initiatives à prendre. Tous, c’est-à-dire pays en compétition ou en guerre, chefs d’États et chefs d’entreprise "à l’international" défendant leurs intérêts, populations aveuglées par leurs idéologies incompatibles. Tous devront s’accorder sur les mesures à prendre pour diminuer l’impact du CO2 dans l’atmosphère, la pollution de l’air et de l’eau, les pesticides et insecticides, les déchets radioactifs et, plusieurs planètes étant nécessaires à la survie de l’Humanité en progrès, diminuer la population mondiale en arrêtant d’encourager la natalité et en encourageant les célibataires ou couples, sans enfants.

Ciel de nuages sombres

Peut-être que plus tard, quand la planète sera ravagée par les guerres et les pandémies, il faudra, au contraire, relancer la natalité. Au rythme où l’on bétonne et détruit les forêts, cela ne saurait tarder. Diminuer la natalité, vous avez une idée, convaincante pour l’ensemble des humains ? En France on n’arrive pas à remplacer l’agriculture conventionnelle par l’agriculture bio, à mettre fin à une industrie agroalimentaire empoisonnée et encore moins à renoncer au commerce des armes, à l’énergie nucléaire, alors la natalité...

On va remplacer les véhicules thermiques par des véhicules électriques (excès de CO2 et fin du pétrole obligent). Il va donc falloir augmenter la production d’électricité nucléaire, c’est-à-dire augmenter les déchets dont on ne sait que faire et augmenter la probabilité d’accidents nucléaires. Ce n’est qu’un exemple de mission rendue impossible par la surpopulation, avec l’agriculture conventionnelle pesticidée, la pollution des terres, des mers et des océans, les guerres idéologiques et économiques, le pillage destructeur de services publics qui enrichit de plus en plus de gens, de plus en plus riches et arrogants.

Alors, que tous tombent d’accord pour sauvegarder notre espace, vital pour nous tous, terrestres, c’est mission impossible. Autant dire "bonjour bonsoir", la probabilité pour que ce qui paraît impossible se produise, est voisine de zéro.

C’est pourquoi, lorsque vous aurez lu cet excellent texte "Où suis-je ?" de Bruno Latour, je vous propose de faire la fête, pour fêter la fin de cette belle aventure humaine de quelques millions d’années : lors du réveillon du nouvel an, chaque année, jusqu’à épuisement.

Quoi, vous pleurez ? Mais tout à une fin, c’est la vie, regardez les dinosaures. Et puis, croire que l'humanité est éternelle, c'est une vision religieuse. Mais précipiter sa fin, c'est complètement idiot.

Allez, pour vous consoler, voici une autre citation :

Chaque État délinéé par ses frontières est obligé par définition de mentir sur ce qui lui permet de vivre, puisque, s’il est riche et développé, il doit s’étendre en douce sur d’autres territoires dont pourtant il ne se reconnaît aucunement responsable. Hypocrisie fondamentale qui crée une déconnexion entre, d’un côté le monde dans lequel je vis, en tant que citoyen d’un pays développé, et, de l’autre, le monde dont je vis, en tant que consommateur de ce même pays.

Deux concepts : le monde dans lequel je vis et le monde dont je vis.

Une redéfinition : notre monde est un monde vivant et fragile, le seul accessible, composé de plantes, animaux, êtres humains, virus et autres organismes, tout ce qui contribue à la vie sur Terre.

Photos : Jacques Bouchut

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